L’enquête de terrain : définition, méthodes, conseils et exemple

Professionnels qui effectuent une étude de marché ou étudiants qui travaillent sur un sujet de mémoire ou de thèse, tous peuvent être amenés à réaliser une enquête de terrain.

L’enquête de terrain est une méthode de recherche assez commune avec laquelle vous entrez vous-même dans le champ pour collecter des données. La recherche sur le terrain peut être utilisée comme méthode de recherche et de collecte de données pour votre mémoire.

Diverses techniques peuvent être utilisées, comme des questionnaires, des entretiens et des observations. De cette façon, vous trouverez exactement les données dont vous avez besoin pour répondre à vos questions de recherche et vérifier vos hypothèses.

L’article présente l’enquête de terrain dans sa largeur : de sa définition aux différentes méthodes pour mener ce genre d’enquête, à la technique d’analyse des données, le tout avec plusieurs exemples concrets.

Une enquête de terrain : qu’est-ce que c’est ?

Définition générale

Aussi appelé “étude de terrain” ou “travail de terrain”, l’enquête de terrain permet au chercheur d’étudier son sujet dans son environnement naturel pour mieux le comprendre. Le contexte est un élément central de l’analyse.

L’enquête de terrain est une méthode de collecte de données plutôt qualitative pour laquelle le chercheur doit se rendre sur le terrain et mener ses recherches dans le cadre quotidien du sujet étudié, tel qu’une salle de classe ou une entreprise.

En choisissant ce mode de recherche, on obtient une image concrète du domaine de recherche dans un environnement pratique (contrairement à un cadre de laboratoire dans lequel un chercheur tente d’exclure autant de facteurs externes que possible), ce qui peut influencer les résultats de la recherche.

À travers diverses techniques, l’enquête de terrain permet de récolter des données informatives utiles qui doivent aider l’enquêteur à répondre à sa problématique et vérifier ses hypothèses.

“Que peut-on attendre, plus généralement, d’une réflexion sur le terrain et sur la pratique de terrain ? Une amorce de réflexion sur le lien qui se crée sur le lieu de la rencontre et sur ses conséquences sur la posture du chercheur et la conduite de son travail d’enquête, de collecte des informations et d’analyse des situations.” (Steck, 2012)

Pourquoi mener une enquête de terrain ?

Dans la partie empirique d’un mémoire ou d’une thèse, l’étudiant peut récolter des informations grâce aux techniques de l’étude qualitative et/ou quantitative.

Si certaines techniques, comme le sondage, ne demandent pas de “faire du terrain”, d’autres méthodes obligent l’enquêteur à se déplacer et se confronter à la réalité du contexte.

Aller sur le terrain peut représenter plusieurs avantages pour l’étudiant chercheur :

  • Se rendre compte de la réalité d’un phénomène ou d’un sujet pour mieux le comprendre.
  • Récolter des informations supplémentaires qu’une enquête derrière son ordinateur ou au téléphone n’aurait pas permis d’obtenir.
  • Apporter une valeur ajoutée à son mémoire à travers le travail empirique réalisé.
  • Dévoiler de nouvelles hypothèses de travail.
  • Développer la curiosité, le sens de la compréhension, l’adaptation en terrain inconnu et l’assurance de l’enquêteur.
  • Donner plus de relief et valoriser le travail empirique de son mémoire ou de sa thèse.

Avantages et inconvénients de l’enquête de terrain

Avantages Inconvénients
Peut façonner précisément la recherche en fonction de votre question de recherche. La recherche sur le terrain peut prendre beaucoup de temps.
Vous pouvez clairement justifier comment la recherche a été faite. Bon pour la validité et la fiabilité. Il peut être difficile de trouver suffisamment de répondants.

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Les techniques de l’enquête de terrain

Pour mener à bien une enquête de terrain, le chercheur peut avoir recours à plusieurs techniques le plus souvent qualitatives, mais aussi quantitatives.

Pour mener une enquête de terrain, l’observation est la technique la plus communément utilisée.

Que l’observation, soit participante ou non participante (c’est-à-dire que l’étudiant se montre ou ne se montre pas), elle permet au chercheur de prendre connaissance de faits et de situations. Elle permet d’observer la réalité d’une situation, et ce, directement dans son espace naturel.

Pour mener à bien une observation l’étudiant devra au préalable la préparer en notant les éléments qu’il souhaiterait observer le jour J. Pendant l’observation, il est conseillé de prendre des notes pour retenir un maximum d’éléments informatifs.

Exemple

Blatchford et ses collègues (2003) ont étudié si la taille d’une salle de classe influence le comportement des élèves. Pour cela, ils ont observé des enfants dans des classes de différentes tailles et ont comparé le comportement de ces enfants.

Blatchford, P., Edmonds, S. et Martin, C. (2003). Taille de la classe, attention des élèves et relations avec les pairs, British Journal of Educational Psychology (73), 15-36.

L’entretien (directif, semi-directif ou libre) représente également une super technique pour l’enquête de terrain.

S’il peut être réalisé par téléphone ou par vidéoconférence, l’entretien effectué en face à face, sur le terrain, permet au chercheur d’obtenir d’avantages d’informations.

L’enquêteur peut noter plusieurs choses comme l’ambiance, les émotions de la personne interrogée et décrire le lieu dans lequel il l’interroge.

Exemple

Lupton (1996) a fait des recherches sur les préférences alimentaires des gens. Pour cela, elle a réalisé 33 entretiens semi-structurés (avec trois autres interviewers). Sur la base de diverses questions, telles que les aliments jugés sains par les répondants, ou leurs habitudes alimentaires qui ont changé au fil des ans et s’ils avaient des souvenirs d’un certain type de nourriture, elle a dressé un tableau des préférences alimentaires des répondants.

Bron: Lupton, D. (1996). Nourriture, corps et soi. Londres, Angleterre : Sage.

Le focus group, aussi appelé “groupe de discussion”, est une technique qui peut s’effectuer sur le terrain et consiste pour l’enquêteur, à regrouper une dizaine d’individus pour discuter autour d’un sujet connu.

Qu’il soit homogène ou hétérogène, le focus group est une technique de terrain qui permet de collecter des informations.

Pour un chercheur qui travaille sur un sujet de thèse, il peut être intéressant de réaliser un focus group après avoir effectué une longue période d’observation.

Exemple

Sur un sujet portant sur le système éducatif français en école primaire, l’enquêteur pourrait commencer par une longue période d’observation d’un mois, avant de réunir les enseignants de l’école pour réaliser un focus group. Le focus group pourrait alors porter, selon le sujet étudié, sur les conditions de travail des enseignants (salaire, moyens matériels, moyens humains), sur la réussite scolaire des élèves selon leur origine sociale, ou par exemple sur l’évolution du niveau scolaire en France.

Cette enquête de terrain peut révéler des informations qu’une observation ou qu’un entretien individuel n’aurait pas pu délivrer.

Le questionnaire, qui est une technique de l’étude quantitative, est principalement mené par le biais d’e-mails via les réseaux sociaux. Cependant, faire passer un questionnaire sur le terrain permet d’obtenir d’autres informations annexes qui s’avèrent utiles pour comprendre le phénomène étudié.

Exemple

Lunt et Livingstone (1992) ont étudié un certain nombre de problèmes concernant la consommation et en particulier la façon dont les gens sont confrontés à l’argent. C’est pourquoi ils ont envoyé 241 questionnaires (par la poste) aux résidents d’Oxford et des environs. De cette façon, ils ont été en mesure de collecter suffisamment de données.

Bron, Lunt, P. K. et Livingstone, S. M. (1992). Consommation de masse et identité personnelle. Buckingham, Angleterre : Université ouverte.

Tableau récapitulatif des différentes méthodes de l’enquête de terrain

Les principales méthodes pour mener une enquête de terrain possèdent des caractéristiques propres, des avantages mais aussi des limites.

Caractéristiques Avantages Limites
L’observation L’observation permet à l’enquêteur de faire des constatations et collecter des données informatives grâce à son observation dans le lieu naturel du sujet ou du phénomène qu’il étudie. L’observation permet à l’enquêteur de comprendre en partie par lui-même un phénomène.

L’enquêteur peut prendre du recul sur la scène pour mieux l’observer sans être forcément remarqué.

Cette méthode offre une grande liberté à l’enquêteur.

L’observation ne permet pas toujours de poser des questions aux personnes observées pour répondre à une interrogation.

L’observation doit se faire dans un temps long pour être pertinente, il faut donc du temps.

Sur un sujet trop précis et mal maîtrisé, le chercheur peut produire des interprétations erronées.

L’entretien L’entretien peut s’avérer être une méthode d’enquête de terrain utile lorsque le chercheur analyse avec précision l’attitude de la personne interrogée, et l’atmosphère du lieu de travail dans lequel il l’interroge. Cette méthode permet d’obtenir des informations précises auprès d’un professionnel sur un sujet technique.

À travers l’entretien, l’enquêteur peut observer l’environnement de travail de la personne qu’il interroge. Cette attitude peut lui permettre de collecter des informations supplémentaires.

L’entretien individuel est utile pour récolter des informations précises, mais il ne permet pas d’étudier globalement une situation, un phénomène (il faudrait pour cela mener plusieurs entretiens individuels)

Il faut donc du temps pour récolter un maximum d’informations à travers les entretiens sur le terrain.

Le focus group Le focus group peut venir compléter une phase d’observation sur le terrain. Cette méthode permet d’interroger plusieurs personnes issues d’un environnement que l’on étudie. Le focus group peut être utile en complément d’une période d’observation.

Dans ce cas, il peut permettre de faire le point avec les principaux acteurs observés pour pouvoir les questionner sur des éléments restés sans réponse.

Le focus group, qui peut être mené exclusivement sur le terrain, permet de faire émerger des informations à travers l’acquiescement ou la contradiction de la parole entre plusieurs individus du groupe.

La méthode du focus group est compliquée à gérer pour l’enquêteur qui doit faire face à une dizaine de personnes et animer le débat.

Il peut-être est difficile de mettre en place un focus group sur le terrain : il faut trouver un créneau d’au moins une heure où l’ensemble des personnes sera disponible.

S’il est mal préparé ou mal mené, le focus group peut ne rapporter que peu d’informations.

Le questionnaire Le questionnaire, bien que souvent mené par écran ou téléphone interposé, permet de récolter d’avantages d’informations quand il est réalisé sur le terrain (attitude, sentiment, humeur). Le questionnaire mené sur le terrain permet à l’enquêteur de noter des détails qu’il n’aurait pas pu avoir si celui-ci avait été posé par e-mail.

Le questionnaire est utile pour poser plusieurs questions afin de connaître un avis, une opinion, sur un sujet donné.

Cette méthode peut faire naître de nouvelles hypothèses de travail.

Le questionnaire, même mené sur le terrain, ne permet pas de poser des questions complémentaires qui pourraient s’avérer utiles.

Si le questionnaire permet de connaître une opinion, il ne permet pas de rentrer dans les détails expliquant celle-ci.

Il étudie plus la forme d’un sujet, que le fond.

Nos 4 conseils pour mener une enquête de terrain

Pour réaliser une enquête de terrain, certains conseils peuvent être utiles. En voici 4 qui pourraient vous faciliter la tâche.

  1. Définissez en amont les pistes que vous souhaitez explorer : que vous vous apprêtiez à mener une observation, un entretien, un focus group ou un questionnaire, vous devez structurer votre enquête de terrain. Si le guide d’entretien doit vous aider à définir vos objectifs à travers des questions et des thèmes définis, vous devez également prendre le temps de noter les principaux éléments sur lesquels vous souhaitez obtenir des informations.
    Exemple

    Dans le cadre d’un mémoire sur le mouvement des gilets jaunes, notez bien les thématiques dans lesquelles vous avez besoin de réponses (qu’elle est la cause du mouvement, de qui est constitué ce mouvement, comment est-il structuré). Cela doit vous aider à bâtir votre enquête à travers la méthode que vous avez choisie. Votre étude sera mieux structurée et les résultats qui en sortiront seront plus pertinents.

  2. Structurez bien votre enquête : pour mener un travail empirique et une enquête de terrain, mieux vaut bien préparer en amont son enquête. Pour une observation, définissez le cadre, le temps imparti, repérer le lieu et réaliser une revue littéraire pour être prêt. Pour les entretiens, une revue littéraire est aussi utile.
  3. Analysez les données au fur et à mesure : lorsque vous êtes sur le terrain, vous récoltez souvent un grand nombre de données. Si la partie empirique de votre mémoire ou de votre thèse vous demande plusieurs enquêtes sur le terrain (des entretiens ou plusieurs observations), pensez à traiter ces données informatives petit à petit. Cela évitera d’être vite débordé et l’analyse des données récoltées pourra en plus faire naître de nouvelles hypothèses de travail à étudier.
  4. Soyez attentif et curieux : lorsque vous menez une enquête de terrain, chaque élément doit attirer votre attention. Si vous effectuez un entretien, n’hésitez pas à observer avant la rencontre, le lieu dans lequel vous vous trouvez (s’il a un rapport avec le sujet étudié). Lors d’une observation, prenez le temps de discuter avec certaines personnes rencontrées si cela est possible. Le but est de collecter un maximum d’informations.

Exemple complet d’une enquête de terrain

Pour donner un cas concret, l’exemple suivant s’appuie sur un ouvrage sociologique des sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron qui a nécessité de nombreuses enquêtes de terrain. Le livre s’intitule Les héritiers et est édité aux Éditions de Minuit.

Ce livre propose une enquête sur le système éducatif et le rapport entre le parcours et la réussite scolaire, et l’origine sociale.

Pour arriver à leur conclusion, les deux chercheurs ont eu recours à diverses techniques :

  • Des études quantitatives permettant la mise en place d’études statistiques démontrant l’inégalité des chances d’accès à l’enseignement supérieur selon l’origine sociale et le sexe.

    Les deux sociologues ont établi un questionnaire pour connaître la réussite scolaire d’un étudiant selon le niveau scolaire des parents.

    Résultats

    Plus le niveau scolaires des parents est élevé, plus les résultats scolaires de l’enfant, en maternelle, primaire, collège, ou lycée, sont bons. (page 172)

  • Des études qualitatives pour recueillir des avis, observer des situations, analyser des phénomènes sociaux.

    Ils ont effectué des observations pour comprendre le fonctionnement et la composition des universités, à divers entretiens pour récolter des informations sur les différents parcours des étudiants, les deux sociologues ont pris le temps de “faire du terrain” pour comprendre les différents enjeux.
    Les entretiens avec des étudiants ont notamment permis aux chercheurs de dresser un tableau de l’origine sociale des étudiants français pour l’année 1961-1962 (pages 134-135). Ce tableau indique par exemple que sur près de 212 000 étudiants cette année-là, seulement 13 000 étaient des fils ou filles d’ouvriers, seulement 1200 étaient des fils ou filles d’agriculteurs, et plus de 105 000 étudiants étaient des fils ou filles de patrons, cadres moyens, ou cadres supérieurs.

Pour mener à bien la partie empirique de leur étude, les deux chercheurs ont mené plusieurs enquêtes de terrain :

  • Il se sont rendus dans des universités pour observer durant plusieurs mois les attitudes des étudiants et des professeurs. Leurs diverses observations obtenues sur le terrain ont pu dégager de nouvelles pistes de travail utiles pour constituer des entretiens sous un angle plus précis.

    À travers des observations puis des entretiens avec des étudiants, les deux chercheurs ont ainsi pu établir un lien entre pratique de la vie artistique, origine sociale et réussite scolaire. Plus l’origine sociale est élevée, plus la pratique culturelle l’est aussi. Et plus les résultats scolaires dans le supérieur sont bons. (page 30).

  • Grâce aux observations de terrain et aux divers entretiens accompagnés de données statistiques, les chercheurs ont pu comprendre qu’il existait “des règles – souvent non écrites – du jeu universitaire”. Cela signifie qu’il existerait selon les travaux de recherche des deux sociologues, un patrimoine pour les enfants des classes favorisées, qui jouerait sur leur réussite scolaire. Ce patrimoine invisible leur permettrait de réussir dans un environnement (l’université) qui favoriserait implicitement ce type de personne.

Cette vaste enquête de terrain, a permis aux deux chercheurs d’affirmer qu’il existe bien, au-delà des inégalités économiques, d’autres inégalités liées à l’héritage culturel de chacun (capital fait de savoirs, de savoirs-faire, de savoirs dire).

Citer cet article de Scribbr

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, . (2019, 19 décembre). L’enquête de terrain : définition, méthodes, conseils et exemple. Scribbr. Consulté le 21 décembre 2024, de https://www.scribbr.fr/methodologie/enquete-de-terrain/

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Gaspard Claude

Gaspard est rédacteur pour Scribbr. Il était étudiant en journalisme, puis en Sciences Politiques il y a peu. Il tente d’aider au mieux les étudiants à travers des articles pédagogiques utiles et clairs.